Artistes et chrétiens protestants manifestent contre Jovenel Moïse par milliers
Written by La Brise FM | 104.9 Stéréo on October 20, 2019
Publié le 2019-10-20 | Le Nouvelliste: Pour un deuxième dimanche consécutif, des dizaines de milliers de manifestants ont foulé le macadam à Port-au-Prince pour exiger le départ du président Jovenel Moïse. Les participants ont répondu à l’appel d’un collectif d’artistes dont les chefs de file sont Izolan et King Kino. Ce dimanche, des fidèles protestants, sous le leadership de l’auto-proclamé « prophète » Makenson Dorilas, ont été également sur le parcours. Un mélange inédit de convictions religieuses mais une motivation politique commune: réclamer le départ du pouvoir du président Jovenel Moïse et de ses amis.
La manifestation a débuté au Champ de Mars, devant le Rex Théâtre comme dimanche dernier avant d’arpenter Lalue, Nazon, Carrefour de l’aéroport, route de Delmas pour revenir au point de départ après avoir arpenté certaines rues de Pétion-Ville.
Comme c’était le cas dimanche dernier, la manifestation a pris l’allure d’un vrai dimanche de carnaval. Trois chars musicaux et plusieurs bandes de rara ont assuré l’animation. Pierre Raymond Divers alias King Kino a expliqué au journal le sens de sa présence à la manifestation de ce dimanche. « Nous sommes là pour porter les revendications de la masse, des ouvriers, des policiers, du secteur privé, etc. Le pays est malade. Il y a une pléthore de problèmes dans tous les domaines. Nous demandons au président de faire un geste », a-t-il dit.
Son collègue, e rappeur Izolan, a été aussi explicite. « Comme artistes, nous exigeons le départ de Jovenel Moïse. C’est ce qui explique notre présence sur le béton », a déclaré le rappeur de Barikad Crew. Le natif de l’Arcahaie a également annoncé que les artistes réfléchissent à d’autres stratégies pour maintenir la pression sur le président. « Il n’y aura pas toujours des marches les dimanches. Nous avons d’autres stratégies qui seront annoncées bientôt », a-t-il souligné.
Après deux ans de mandat, Jovenel Moïse fait face à une contestation sans précédent. Une contestation qui paralyse le fonctionnement du pays et qui a des conséquences notamment sur le secteur éducatif et le secteur de l’économie.
L’homme d’affaires Anthony Bennett alias Ti Tony a évoqué les conséquences de cette situation sur l’économie et a appelé à une solution urgente. « Je suis dans les rues pour les autres patrons du secteur privé qui ne sont pas là. Ils subissent aussi les conséquences de la crise comme le reste de la population. Je veux que le pays prenne une autre direction. On a besoin de nouveaux dirigeants parce qu’actuellement le pays n’est pas dirigé. La médiocrité est la règle. On ne peut pas continuer ainsi. Le problème n’est pas que Jovenel Moïse. Il y a aussi les parlementaires, les ministres. Le président avait reçu un mandat pour assurer la bonne marche des institutions. Cependant, on peut constater que rien ne marche. Ou bien il apporte des solutions, ou bien il admet son incapacité et tirer les conséquences. Qu’il parte avec les parlementaires et les ministres », appelle-t-il.
Le sénateur Youri Latortue a apporté son soutien à la manifestation convoquée par le collectif des artistes. Il a profité pour annoncer que la mobilisation va s’amplifier dans les prochains jours. « Cette semaine les religieux seront dans les rues. Ils annoncent la fermeture de leurs institutions jusqu’à ce qu’il y ait un dénouement à la crise politique. Il y a plusieurs autres secteurs qui s’expriment et exigent aussi la démission de Jovenel Moïse. C’est une bonne chose », fait-il remarquer.
Ce dimanche, des divergences entre participants et entre artistes sont apparues au grand jour. Un groupe de manifestants ont scandé « nou pa nan kanaval, nou vle revolisyon (non au carnaval, oui à la révolution). Une manière pour ce groupe de prendre ses distances par rapport à l’ambiance carnavalesque qui s’est installée dans la manifestation de dimanche dernier et celle d’aujourd’hui. Izolan et le comédien Matyas se sont eux aussi querellés sur le sujet. Le comédien Matyas estime que l’heure n’est pas au carnaval. « On ne peut pas rire et danser, devant cette misère dans laquelle patauge la majorité. Il peut pas y avoir de carnaval devant autant de chômage, de misère et d’insécurité. Les artistes ne doivent pas monter sur un char comme ils le font. Ils doivent descendre dans la rue pour fouler le béton aux côtés du peuple », estime-t-il.
Des heurts ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre à Pétion-Ville et à Lalue. La police a fait usage de gaz lacrymogène et projectiles en caoutchouc à plusieurs reprises à Pétion-Ville, notamment quand des manifestants ont voulu se rendre à Pèlerin 5, quartier où habitent le président et sa famille. Des manifestants ont mis le feu dans un camion au niveau de Lalue. Ils ont ensuite empêché aux sapeurs pompiers d’éteindre le feu en leur lançant des pierres. Les agents du CIMO ont intervenu pour contrôler la situation.
Jusqu’à la fin de la marche un accident est survenu et 16 personnes en sont sorties blessées au niveau de Pétion-Ville ce dimanche. Ce bilan a été communiqué par le Directeur du ministère de la santé publique, Dr Lauré Adrien en début de soirée. Selon lui, 8 victimes ont été soignées à l’hôpital La paix de Delmas 33, et 8 autres ont été soignées à l’hôpital Eliazar Germain de Pétion-Ville. « Toutes les victimes ont été soignées gratuitement. Elles sont dans un état stable. Certains patients ont même été autorisés à rentrer chez eux », a-t-il indiqué au journal.
Les victimes, toutes des participants à la manifestation convoquée par un collectif d’artistes, ont été fauchées par le camion qui servait de char au pasteur Makenson Dorilas. Selon les premières informations, le chauffeur a perdu le contrôle du véhicule quand les freins ont lâché.
Makenson Dorilas a été l’invité surprise de la marche. Portant une longue robe verte, une sorte de « soutane », perché lui aussi sur un char, prophète Makenson a assuré l’animation à sa manière. Il a diffusé pendant toute la marche des chansons évangéliques sur tout le parcours. Il a été suivi par des milliers de manifestants, notamment des fidèles remarquables par leurs tenues vestimentaires differentes sans accroc avec les autres publics de la manif.