Lutte contre la corruption

Written by on May 15, 2019

De 2008 à 2018, très peu de présidents, de Premiers ministres, de ministres, d’élus, de juges, de membres de la Cour des comptes… ont fait la déclaration de leur patrimoine

Même s’ils se disent contre la corruption, nos dirigeants n’aiment trop faire preuve de transparence quand il s’agit de faire la déclaration de leur patrimoine. Les chiffres de l’enquête de la ‘’Fondasyon Je klere’’ sont sans appel. De 2008 à 2018, seulement 10.77% des chefs de l’Etat, des Premiers ministres, des ministres et des autres grands commis de l’Etat ont fait la déclaration de leur patrimoine. Le constat est encore plus critique chez les députés et les sénateurs. Même dans le pouvoir judiciaire, les fonctionnaires de l’Etat violent des dispositions de la loi portant déclaration du patrimoine.

Dans le but de combattre la corruption et l’enrichissement inexpliqué à tous les niveaux dans l’administration publique, la loi sur la déclaration du patrimoine a été promulguée en 2008. Dix ans après, le constat est que nos dirigeants ne sont pas disposés à faire la lumière sur leurs biens et avoirs ni avant, encore moins après avoir occupé un poste dans l’administration publique.

Dans cette enquête de la ‘’Fondasyon Je Klere’’ qui sera rendue publique ce mardi 14 mai dont Le Nouvelliste a eu copie en primeur, sur les quatre chefs de l’Etat, sept Premiers ministres, 131 ministres et 90 secrétaires d’Etat assujettis à la déclaration de patrimoine qui se sont succédé à la tête du pays entre 2008 et 2018, seulement 46% ont fait leur déclaration de patrimoine à leur entrée en fonction et seulement 10.77% l’ont fait à leur sortie de fonction.

« Deux anciens présidents de la République sur quatre n’ont pas fait leur déclaration de patrimoine à leur sortie de fonction, trois anciens premiers ministres sur sept ne l’ont pas fait, 116 anciens ministres sur 131 ne l’ont pas fait et 86 anciens secrétaires d’Etat sur 90 ne l’ont pas fait non plus », a précisé l’enquête de la ‘’Fondasyon Je Klere’’. Marie Yolène Gilles qui participait lundi soir à l’émission ‘’Haïti sa k ap kwit’’ sur Télé 20, n’a pas voulu citer de nom pour le moment.

La situation est pire chez les parlementaires…

De février 2008 à février 2018, quatre législatures se sont succédés pour un total de trois cent treize députés et quatre-vingt-dix sénateurs. Selon l’enquête de la ‘’Fondasyon Je Klere ‘’, 93% des sénateurs de la République n’ont pas fait de déclaration de patrimoine à leur entrée en fonction et 97% ne l’ont pas fait à leur sortie de fonction. A la Chambre basse pour la même période, 81% des députés n’ont pas fait leur déclaration de patrimoine à leur entrée en fonction et 93 % ne l’ont pas fait non plus sortie de fonction.

S’agissant des autres élus, 97% des maires n’ont pas fait de déclaration de patrimoine ; 99.75% des CASEC n’ont pas fait de déclaration ; aucun caissier payeur des mairies n’a fait de déclaration de patrimoine.

Le pouvoir judiciaire n’a pas su prêcher par l’exemple…

« Au niveau du pouvoir judiciaire, si la Cour de cassation donne l’exemple avec 100% de déclaration à l’entrée, quatre-vingt-neuf (89%) des juges des cours d’appel ne l’ont pas fait contre trente-sept pour cent (37%) pour les juges des Tribunaux de première instance, quarante-quatre pour cent (44%) pour les juges de paix, trente-trois pour cent (33%) pour les commissaires du gouvernement et leurs substituts, vingt-quatre pour cent (24%) pour les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire », lit-on dans le document de la ‘’Fondasyon Je klere’’.

Dans les institutions indépendantes, le constat n’est pas plus réjouissant. Pour les présidents et conseillers de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA), 50% n’ont pas fait leur déclaration à leur entrée en fonction et 89% ne l’ont pas fait à leur sortie de fonction ; les protecteurs du citoyen : 75% ne l’ont pas fait à leur entrée en fonction ; le président et les membres du Conseil électoral provisoire (CEP) : 48% n’ont pas fait leur déclaration à leur entrée en fonction et 96.29% n’ont pas fait de déclaration à leur sortie de fonction ; aucun des recteurs et vice-recteurs des universités publiques en région n’a fait de déclaration de patrimoine à son entrée ou à sa sortie de fonction.

Toujours selon la ‘’Fondasyon Je Klere’’, 67% des présidents et membres du conseil d’administration de la Banque de la République d’Haïti (BRH) n’ont pas de déclaration de patrimoine à leur entrée en fonction et 100% n’ont pas fait de déclaration à leur sortie de fonction; 67% des directeurs généraux et directeurs généraux adjoints n’ont pas fait de déclaration à leur entrée en fonction et 82% n’ont pas fait de déclaration à leur sortie ; les inspecteurs de l’Administration générale des douanes (AGD), les inspecteurs du Bureau de l’immigration et de l’émigration, les agents de la Commission nationale de lutte Contre la drogue (CONALD), les membres du haut commandement de la force publique n’ont fait aucune déclaration de patrimoine.

La ‘’’Fondasyon Je Klere’’ a souligné aussi que 99% des inspecteurs de la Direction générale des impôts (DGI) n’ont pas fait de déclaration de patrimoine ; 80% des présidents et membres du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC) n’ont pas fait de déclaration de patrimoine ; 86% des agents de l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF) n’ont pas fait de déclaration ; 60% des membres de la Commission nationale des marchés publics (CNMP) n’ont pas fait de déclaration de patrimoine ;  67% des membres du Conseil de modernisation des entreprises publiques (CMEP) n’ont pas fait de déclaration ; 50% des présidents et membres du Conseil d’administration de la banque populaire haïtienne (BPH) n’ont pas fait de déclaration ;

Quand dans cette enquête la ‘’’Fondasyon Je Klere’’ a finalement trouvé un bon exemple, elle l’a souligné à l’encre forte. « Il est réconfortant de constater que 100% des agents de l’Unité de lutte contre la coruption (ULCC) ont fait leur déclaration de patrimoine ! »

Quelles sont les sanctions prévues pour les violateurs de cette loi ?

Toute personne qui aura fait sciemment une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé de fausses observations constatées, est poursuivie pour faux et usage de faux conformément aux dispositions du Code pénal, a souligné la ’’Fondasyon Je Klere’’. L’institution a fait remarquer que l’article 109 du Code pénal haïtien punit de travaux forcés à temps toutes personnes qui auront commis un faux en écriture publique. La durée de la peine des travaux forcés à temps est de trois (3) ans au moins et de quinze (15) ans au plus.

Ensuite, elle a rappelé que toute personne assujettie à la déclaration de patrimoine qui, à l’échéance des délais de trente (30) jours prévus par la loi et trois mois après un rappel par exploit d’huissier notifié, à la diligence de l’ULCC, à personne ou à domicile réel, n’aura pas rempli cette formalité, sera privée d’un quart (1/4) de ses émoluments jusqu’à ce qu’elle fournisse la preuve de l’accomplissement de cette formalité. L’ULCC a pour obligation de produire ce rappel dans un délai de soixante (60) jours.

La loi portant déclaration du patrimoine fait obligation à toute personne assujettie à cette loi, à savoir les membres des trois pouvoirs, les grands commis de l’Etat, entre autres, de faire, 30 jours après leur entrée en fonction, à l’exception du président de la République qui doit le faire 30 jours après son élection et 30 jours après la fin de son mandat ou sa sortie de fonction, la déclaration de patrimoine par le dépôt au greffe du tribunal civil de leur domicile d’un inventaire notarié de tous leurs biens, meubles et immeubles, au greffe du tribunal de première instance de leur domicile.

Robenson Geffrard / Publié le 2019-05-13 | Le Nouvelliste

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