« 2,58 millions de personnes évoluant en milieu rural vivent en insécurité alimentaire aiguë »

Written by on April 18, 2019


Publié le 2019-04-17 | Le Nouvelliste Suite à une manipulation informatique ayant entraîné la publication d’une mauvaise version, Le Nouvelliste reprend intégralement cet article déjà paru dans notre précédente édition.

« Près de 50 % (soit 49,8%) de la population haïtienne du milieu rural vivent dans l’insécurité alimentaire aiguë, c’est-à-dire qui nécessite des interventions urgentes. « Entre 2011 à 2013, le pays a connu un niveau d’insécurité alimentaire dans ces milieux estimé à 6%. Le taux a grimpé jusqu’à atteindre 17,% en 2018 ». Ces données ont été partagées par Jean Ulysse Hilaire, directeur technique de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) avec un public d’étudiants et de professeurs d’universités qui ont assisté à une conférence-débat organisée le vendredi 12 avril 2019 sur le thème « La sécurité alimentaire en Haïti : état des lieux, défis et recommandations ».

Au niveau national, la prévalence de l’insécurité alimentaire (modérée et élevée) s’élève à 49,8%. Mais uniquement en milieu rural, 2,6 millions de personnes sont actuellement en besoin d’assistance alimentaire. Ce qui représente 38% de la population analysée, a fait savoir M. Hilaire, lors de cette conférence tenue à l’Université de la Renaissance d’Haïti (URH) à l’initiative de la Conférence des recteurs, présidents et directeurs d’universités et d’institutions d’enseignement supérieur haïtiennes (CORPUHA) en collaboration avec l’Agence universitaire de la francophone (AUF), qui vise à sensibiliser les acteurs concernés à la nécessité de changer leur fusil d’épaule en prenant les bonnes décisions. Il s’agit, pour les responsables, d’amener les autorités à aborder prioritairement  la question de la sécurité alimentaire qui représente une menace pour l’organisation sociale et les conditions de vie des populations locales.

Pour tout le pays, la prévalance de l’insécurité alimentaire plutôt chronique liée à des causes plus profondes et qui nécessitent des interventions à moyen et long terme) est estimée à 70% au niveau de la population. Et les régions les plus touchées sont : Nord-Est, Nord-Ouest, Plateau central, Sud-Est, une partie de l’Artibonite, notamment le haut Artibonite, avance Jean Ulysse Hilaire. 

Maintenant, c’est un pays qui est en crise. On a enregistré une sécheresse  (le phénomène El niño) qui a affecté presque tous les départements du pays en s’attaquant directement au secteur de production. Ce phénomène risque d’affecter davantage la sécurité, les conditions de la sécurité alimentaire dans le pays, avec 80% de chance qu’il se renforce entre mars et mai et 60 % entre juin et août 2019, selon les prévisions de la CNSA évoquées par son directeur technique. 

« Dévaluation de la gourde, sans compter l’inflation, l’exode rural, la pauvreté, l’insécurité alimentaire, la malnutrition, ainsi que des taux élevés de mortalité… ». Tout est mis dans le décor qui sous-classe le pays. « De fait, nous sommes classés au rang des pays les plus sous-alimentés au monde », d’après ce qu’a expliqué M. Hilaire du CNSA.

79% d’improductivité au niveau du secteur agricole…

Plus analytique voire académique dans son intervention, le Dr Sergot Jacob, agroéconomiste, a évoqué un ensemble de données issues de ses recherches pouvant expliquer le niveau de l’insécurité alimentaire dans le pays. Le professeur n’a pas manqué de revenir sur un ensemble de facteurs expliquant les raisons de la faiblesse de l’économie nationale impactant sur la sécuritaire alimentaire. Il a tenu compte de la faible capacité de productivité de la production du secteur agricole. En effet, le niveau d’improductivité dudit secteur est de 79%, avance le professeur-chercheur, soulignant que la sécurité alimentaire dépend aussi grandement de l’exploitation agricole.

Le professeur Jacob a abordé la question de la croissance démographique. Il souligne que la population double tous les 35 ans, mais précisément la population urbaine double tous les 15 et 16 ans. « Cela voudrait dire que tous les 35 ans, il faut prévoir davantage d’aliments pour fournir à la population ce qu’elle nécessite pour vivre », dit-il. Et, à elle seule, la région métropolitaine de Port-au-Prince (avec les six villes qui l’entourent) regroupe « 68 % de la population urbaine d’Haïti. Ce qui lui permet d’avancer qu’un Haïtien sur deux vit donc désormais en ville.

« C’est un pays où il n’y a pas de progrès économique. Le revenu per capita baisse de 2 à 3% en moyenne. Autrement dit, un Haïtien des années 60 est beaucoup plus riche qu’un Haïtien d’aujourd’hui. C’est un pays avec beaucoup de pauvres », glisse l’auteur de l’ouvrage « Pourquoi des agriculteurs rationnels sont-ils inefficients ? ». Le scientifique croit donc qu’il faut chercher à adopter une politique qui augmente l’autosuffisance alimentaire. Il faut baisser l’indice de prix à la consommation, imaginer des politiques publiques appropriées, mais surtout investir dans l’éducation primaire complète des gens, investir dans le milieu rural.

Au beau milieu des interventions, l’entrepreneur Guilbert Buteau, le directeur de lutte contre la pauvreté au sein du Fonds d’assistance économique et sociale (FAES) a été invité à partager les différentes initiatives de cette institution pour combattre l’insécurité alimentaire, notamment à travers les restaurants communautaires ou paniers solidarité.

Cette conférence débat était la première d’une série dans les différentes institutions universitaires, assure, pour sa part,  le professeur Edgar Prévilon, secrétaire de la CORPUHA, satisfait du déroulement des échanges.  Une satisfaction qu’a partagée le recteur de l’Université de la renaissance d’Haïti (URH), Franck Charles, qui espère que cette initiative va contribuer à faire entendre les universitaires sur ces différentes sujets de société.                                                          


Worlgenson Noël / Auteur


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